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À L’époque où l’on faisait non pas du « shopping », mais des « emplettes », terme plus léger et moins maladivement compulsif, la publicité, qui s’appelait « la réclame », était également gentillette et bon enfant ; elle ne cherchait pas à stresser le chaland, et elle se moquait un peu d’elle-même : « La pile Wonder ne s’use que si on s’en sert », etc.

Aujourd’hui, changement radical : fini de rigoler ! La publicité, autrefois bien cantonnée aux affiches dans la rue, aux encarts des journaux et aux entractes de cinéma, est devenue omniprésente et traque agressivement tout un chacun sur tous les espaces disponibles de la voie publique (stations et couloirs du métro, abribus, etc.), mais aussi là où il ne l’attend pas et ne peut y échapper (articles de publicité rédactionnelle dans la presse pas toujours signalés comme tels, objets de marque identifiable dans les films et séries télévisées), et même dans son espace qui a cessé d’être privé : coups de fil à toutes heures au domicile, plus ou moins habiles (« nous posons des doubles fenêtres et nous sommes justement dans votre rue » apparemment, ils passent leur temps dans ma rue, pourtant toute petite « félicitations, vous avez gagné 3 millions d’euros ! » « C’est pour une enquête : avez-vous une bonne mutuelle ? »), envahissement des sites Internet « gratuits » où l’on cherche désespérément à lire le texte derrière les invitations au voyage aux Seychelles ou celles de la banque qui ne demande qu’à vous faire gagner de l’argent.

Et, surtout, finie la gentillesse : il s’agit de culpabiliser tout un chacun, de lui donner l’impression qu’il n’est qu’un has-been, un minable, s’il ne possède pas le dernier modèle de téléphone portable qui sert aussi de rasoir électrique et de fer à repasser, ou l’IPad qui ira rejoindre la sorbetière et la yaourtière dans le placard des ustensiles ruineux jamais utilisés ; celui qui s’obstine à résister est l’objet d’une forme de mépris et de dévalorisation sociale à la limite de l’injure. Le client qui, autrefois « avait toujours raison » est devenu un crétin à qui il faut expliquer comment évolue le monde ; et s’il finit par succomber et que son achat s’avère défectueux, les services après-vente et autres hotlines ne se gênent pas pour lui faire sentir qu’il n’est qu’un abruti incapable de se servir de l’objet le plus simple en lisant la notice traduite du japonais en un français parfaitement incompréhensible.

Et le résultat final est symbolisé par l’obèse, figure emblématique de la société moderne qui a réussi à le gaver de superflu jusqu’à ce qu’il en crève, mais qui ne s’en tirera pas à si bon compte : les liposucceurs, diététiciens, coupe-faim (bienheureux Médiator...), etc. sont prêts à fondre sur lui, « faut bien que tout le monde vive, non ? ».

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Source: Élie Arié (le monde) http://www.lemonde.fr/idees/chronique/2010/12/29/la-pub-hier-et-aujourd-hui_1458613_3232.html#no_mobile

 

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